jeudi 7 avril 2011

ARTISTE : JIM DENEVAN

Jim Denevan
Sur une plage déserte de la côte ouest de l’Amérique du Nord, un homme dessine dans le sable des formes géométriques de taille gigantesque en regard desquelles sa silhouette n’est qu’un point dans l’immense tableau à ciel ouvert qui lui sert de toile. Seul, il pratique des heures durant l’ “art du sable”.



Armé d’un râteau et de quelques outils de fortune, il poursuit inlassablement son travail méthodique pour donner vie à des créations éphémères. Inexorablement, les éléments naturels reprendront possession de ces côtes sauvages un moment livrées à l’obstination créatrice de cet étrange visiteur.


Pourquoi tant d’acharnement à créer de l’inutile ?, lui demande-t-on. Comment peut-il mettre tant d’application dans la réalisation d’une tâche dont la raison ordinaire ne peut justifier la finalité ?

Si on en croit ses propos rapportés par la presse, la nécessité de créer s’est imposée quand il a vu sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer perdre progressivement ses repères. Il a ressenti le besoin de se perdre lui-même dans la réalisation de ces dessins gigantesques qui sont devenus une autre partie de lui même.

En effet, l’artiste qui s’adonne à l’ “art du sable” est indissociable du cuisinier qui parcourt l’Amérique de New York à l’Alaska pour organiser des repas gigantesques dans des décors naturels grandioses où a priori nul n’aurait songé vivre des expériences culinaires inédites. Le propos de Jim Denevan est surprendre et de rapprocher les producteurs et les consommateurs...


Effectivement, Jim Denevan n'est pas seulement reconnu pour ses oeuvres d'arts stupéfiantes, mais aussi il s'est fait une réputation en tant qu'organisateur itinérant de repas conviviaux!  Il s’installe alors dans les fermes, et convie des gens d’horizons les plus divers à rencontrer les producteurs. Son ambition est de faire découvrir la cuisine “à la source”, là où elle prend naissance, sur la terre des producteurs, loin des grands restaurants.

S’il confie le menu de ces repas aux chefs locaux qui sont les mieux à même de valoriser les produits qu’ils connaissent, il prend soin de préciser qu’avec lui, à la différence de ce qui se passe dans leur restaurant, ce n’est pas le chef qui est au centre de toutes les attentions, mais le producteur.

Jim Denevan est un précurseur de ce qu’on appellera peut-être un jour le “tourisme culinaire artistique”. En tout état de cause, sa démarche, et l’écho enthousiaste qu’elle rencontre outre-atlantique, démontre que l’art de manger fait là-bas comme ici l’objet d’une véritable quête du sens.

À ce propos, Jim Denevan soulignait dans un article du "Magazine GQ" qui lui était consacré en juin dernier, que l’organisation de grands repas champêtres n’est nullement une nouveauté et qu’il “n’a rien inventé”. L’organisation de tables festives célébrant les moissons était une tradition qu’il ne fait que redécouvrir, et adapter à de nouvelles aspirations.








La démarche particulière de Jim Denevan allie la convivialité de grandes tablées permettant d’improbables rencontres, une recherche esthétique originale qui s’apparente au “land art” dans des espaces naturels d’exception, et un travail sur la quête du sens de l’expérience culinaire auquel le convive est invité à participer, non comme l’admirateur révérencieux d’une cuisine officielle qui le maintient dans l’ignorance des produits, mais plutôt dans une sorte de happening “convivial” qui donne du sens à l’art de manger, et permet à chacun de partager un moment authentique et rare.

Avec Jim Denevan, la quête du sens est une initiation dont la simplicité revendiquée ne contredit pas la profondeur de l’expérience qui la rend possible...

Ce qui surprend et séduit dans l’art de Jim Denevan, ce n’est pas tant son double intérêt pour l’art et la cuisine que la façon originale dont ses talents se conjuguent au service d’une philosophie personnelle pour répondre à des aspirations profondes qui trouvent un écho en chacun de nous. 

Que des gens d’horizons divers se réunissent pendant l’été pour célébrer les produits de la terre, loin du vacarme des villes et de la pression quotidienne, voilà qui n’a rien que de très banal. Mais que cette expérience soit assez forte pour remettre en question nos habitudes jusqu’ici inquestionnées, voilà qui témoigne bien de l’émergence d’une nouvelle sensibilité.

D’un nouveau rapport au monde que son travail artistique met en tension avec sa propre fragilité dans des paysages sauvages dont nul ne sait aujourd’hui si l’homme sera capable demain d’en préserver la beauté.

DENEVAN SUR LE LAC BAÏKAL

Dernièrement Jim Denevan se rendait sur le lac Baïkal pour réaliser son plus colossal projet, une oeuvre d'art sur glace à faire frissonner d'étonnement... 








Voir aussi  :
www.jimdenevan.com/

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